ROUX Jacques. Pseudo (Résistance) : Jardel Né le 6 janvier 1923 à Fargues sur
Ourbise (Lot-et-Garonne) ; docteur en médecine ; professeur à la Faculté de médecine de
Montpellier ; directeur général de la Santé en 1981 ; résistant (NAP
et AS) à partir de 1942 ; membre du Parti communiste depuis novembre 1956 ;
secrétaire départemental du Mouvement de la paix dans l’Hérault en 1957 et
membre du Bureau national en1962 ; élu au Comité fédéral en 1959, au
Bureau fédéral en 1961, et au Comité central de 1964 à 1984. Jacques
Roux est issu d’un milieu socialiste. Son père, Jean, était huissier. Sa mère, Germaine,
née Foussal, était institutrice. Membres de la SFIO, ils quittent ce parti en
1947. Ils ne sont pas adhérents du Parti communiste mais sympathisants. Jacques
Roux vivait chez eux à Béziers où il fit ses études secondaires au lycée Henri
IV et fit partie des Éclaireurs de France. En 1942, il entama à Montpellier des
études supérieures en médecine. Pendant la guerre il fut recruté à 19 ans comme
agent de liaison du NAP. Incorporé en 1943 aux Chantiers de jeunesse dans le
Puy-de-Dôme, il y resta jusqu’en février 1944. Il vécut ensuite dans la
clandestinité sous le pseudo de « Jardel » et aida les maquis de l’AS à
collecter des médicaments, à les convoyer, à soigner blessés et malades, en
coopération avec le Docteur Fournier et le Commandant Caroux (patronyme :
Toureng). En avril 1944, dénoncé par des jeunes gens qui gagnaient un maquis de
la région de Lacaune, il échappa de peu à la détention en niant ses activités
résistantes. Quand l’Hérault fut libéré en août, il fit partie du service de santé
créé auprès du Comité départemental de la libération. Présent quelques mois à
Béziers, il s’occupa des jeunes du MLN (Mouvement de Libération Nationale). En
février 1945, pendant la contre-offensive allemande, il fut appelé comme
médecin auxiliaire et affecté à la première brigade d’Extrême-Orient lors de la
campagne d’Indochine, de 1945 à 1947. Il était détaché à l’Assistance médicale
indigène à l’hôpital de Ban-Me-Thuot, puis dans un petit hôpital de campagne à
700km au nord de Saïgon. C’est la double expérience vécue dans la Résistance
puis en Indochine qui semble, plus qu’une dynamique familiale, avoir déterminé ses
engagements politiques ultérieurs. Témoin de mauvais traitements subis par des Indochinois,
il protesta contre la pratique de la torture et délivra des certificats de
sévices à des Indochinois. Ce comportement fut sanctionné : interrogé par la
police militaire de Saïgon, il échappa à des poursuites judiciaires, mais fut
renvoyé en France. Il put reprendre ses études et obtenir le doctorat en
médecine en 1950. Admissible à l’agrégation en 1952, reçu en 1955 (en
microbiologie), il fut nommé maître de conférences à la faculté de médecine de Montpellier. C’était
un lecteur des ouvrages fondamentaux de Marx, Engels, Lénine. En novembre 1956,
il adhéra au Pari communiste. En 1961, il entrait au bureau fédéral de son
parti. En 1964, il fut élu au Comité central à l’occasion du XVII° congrès puis
constamment réélu pendant 10 ans. Son intérêt pour les problèmes politiques se
traduisit aussi par son adhésion au Mouvement de la paix. Il en devint le
secrétaire départemental dans l’Hérault en 1961 puis accéda à partir de 1962 à
des responsabilités nationales. Dans l’Hérault, il joua toujours un rôle
important dans les actions initiées contre la guerre d’Algérie, les expériences
atomiques, le réarmement de l’Allemagne. En octobre 1965, Henri Krasucki dans
une note adressée au secrétariat du Comité central notait que des mesures
avaient prises pour alléger ses responsabilités locales au Mouvement de la Paix
et souhaitait qu’il en fût de même dans les instances nationales de cette
organisation, en concentrant ses activités sur les questions qui exigeaient la
présence d’un intellectuel de ce niveau. Il a témoigné que son parti a connu
une évolution interne importante antérieure d’une dizaine d’années à l’abandon
en 1976 du thème de la dictature du prolétariat. Même si le parti communiste
donnait une impression d’unité, il y existait diverses tendances. L’unité était
plus dans les décisions que dans le débat philosophique qui était intense. Il
en fut ainsi pendant trois jours en 1966 au Comité central d’Argenteuil auquel participait
Aragon sur le problème des intellectuels. Jacques
Roux fut 5 fois le candidat de son parti aux Législatives, de 1973 à 1988.
D’abord dans la circonscription de Montpellier-Lunel, en 1973, 1978 et 1981 :
dans les trois cas, après avoir obtenu 15,4% puis 13,4% et 8,4% des voix des
électeurs inscrits, il se désista au deuxième tour en faveur du socialiste
Georges Frèche. Retraité depuis le 31 décembre 1985, il accéda à la demande de
Georges Marchais en dirigeant la liste des candidats aux Législatives de 1986.
Avec un scrutin de liste départemental à un tour, placé en tête de liste devant
le sétois F. Liberti, il fut élu (seul élu de la liste). Comme député et
Secrétaire du Bureau de l’Assemblée nationale il exerça une forte activité dans
le domaine de la Santé. L’Assemblée ayant été dissoute en 1988 par François Mitterrand,
il se présenta dans la circonscription Béziers nord–Bédarieux où, avant lui,
Paul Balmigère avait triomphé ; mais n’ayant recueilli que 13,5% des voix
contre 27,8% au socialiste B. Nayral, il se désista en sa faveur au deuxième
tour. La
carrière professionnelle de Jacques Roux se poursuivait brillamment : de 1962 à
1981, il fut titulaire de la chaire de microbiologie à la faculté de médecine
de Montpellier et chef du service de Bactériologie-Virologie au centre
hospitalier régional et universitaire de Montpellier. Il assura également entre
1965 et1981 les fonctions de directeur de l’Unité de recherche sur les
brucelloses de l’INSERM (Institut national de la Santé et de la recherche Médicale).
Spécialisé dans la brucellose (fièvre de Malte), Jacques Roux a découvert un vaccin
créé non à partir de bactéries, mais à partir d’antigènes bactériens. Il se
partageait entre ses activités d’enseignement et de recherche, assurant un
cours de génétique bactérienne à la faculté des Sciences de Montpellier, la
présidence de la commission de Microbiologie et de Pathologie infectieuse, et,
en 1976, la présidence du jury de l’agrégation de Médecine. De 1975 à 1981, il
fut vice-président du conseil scientifique de l’Institut Pasteur de Paris et en
1981, il présida la Commission de réforme des études médicales dans les
universités françaises. Le 11 novembre 1981, il fut nommé Directeur général de
la Santé par le conseil des ministres sur proposition de Jack Ralite. C’est dix
ans plus tard, le 21 octobre 1991, que Jacques Roux fut impliqué dans la
question du sang contaminé, lors de transfusions sanguines réalisées en 1984 et
1985. Le 23 juin 1983 le professeur Roux avait cependant alerté le corps médical
et les centres de transfusion sanguine par une circulaire qui indiquait que le
syndrome d’immunodépression acquise représentait un risque grave et qu’il
pouvait être dû à un agent infectieux transmissible par le sang : aussi les
médecins chargés des prélèvements étaient-ils invités faire une sélection parmi
les donneurs, et pour cela à identifier en les questionnant les personnes à
risques, et à examiner médicalement chaque donneur. Les groupes à risques étant
ceux où « la maladie était relativement fréquente ». La liste mentionnait les
homosexuels ou bisexuels à partenaires multiples ; les utilisateurs de drogues
injectables par voie veineuse ; les personnes originaires d’Haïti ou d’Afrique
équatoriale ; leurs partenaires sexuels (femmes ou hommes). Les commentaires de
presse furent défavorables à cette circulaire qui fut mal interprétée et très
mal appliquée. Après le dépôt de plaintes d’hémophiles ayant contracté le virus
du sida, le professeur Roux fut inculpé en même temps que Robert Netter, ancien
directeur du Laboratoire national de la Santé ainsi que Michel Garetta, ancien
Directeur du Centre national de transfusion sanguine et son adjoint le Docteur
Allain. La Cour d’Appel de Paris accorda le sursis en 1993 au Professeur Roux
et au Docteur Allain. Sursis confirmé le 22 juin 1994 par un arrêt de la chambre
criminelle de la Cour de Cassation. Jacques
Roux avait eu aussi des activités et des responsabilités internationales :
membre de l’Académie des Sciences de New-York (1975), il fut expert à
l’Organisation mondiale de la Santé à partir de 1973 et membre de son Conseil
exécutif à partir de 1981. Il le présida en 1984-1985. Soit à ce titre, soit à
celui de la coopération bilatérale, il remplit de nombreuses missions à
l’étranger à partir de 1975 et dans les années 1980 : - en
Tunisie pour y organiser la faculté de médecine de Sfax. - au
Maroc pour l’organisation des concours d’Agrégation de médecine à la faculté de
Rabat et pour l’organisation des études médicales. - en
Algérie pour l’organisation de l’Institut national de la Santé et de la
Médecine du Travail. - au
Sénégal pour l’étude des zoonoses en pays tropical. - en
Grèce pour l’organisation du centre méditerranéen de lutte contre les zoonoses. - en
Chine pour l’organisation d’un Centre d’Études des brucelloses pour les
provinces du nord du pays. - Au
Vietnam pour l’organisation de la recherche médicale. Il fut
rapporteur au Colloque international des zoonoses en Méditerranée à Oran en
1987 et rapporteur permanent au Comité mixte de Programme de lutte contre les
zoonoses (Comité réuni alternativement en Europe, en Afrique, et au
Moyen-Orient). Œuvres Il y a
deux ensembles principaux dans l’œuvre du professeur Jacques Roux : - Les
travaux purement scientifiques : plus de 200 publications scientifiques dans
des revues françaises et internationales portant sur les brucelloses chez
l’homme, – la génétique bactérienne, les maladies infectieuses,
l’antibiothérapie —. - Les
ouvrages consacrés à la Santé publique, en France et dans le monde témoignent de
l’engagement politique du Docteur Roux. On peut rattacher à cette catégorie les
textes consacrés au drame du sang contaminé par le virus du sida qui ne sont
pas seulement un plaidoyer pro domo, mais aussi une analyse critique d’
« une politique restrictive vis-à-vis de la santé publique » pratiquée depuis nombre
d’années par plusieurs gouvernements. Parmi
les publications scientifiques, « Le diagnostic biologique des brucelloses chez
l’homme », dans Médecine et maladies infectieuses, 1974, 4-5,
P.259-266. – « Épidémiologie et prévention de la brucellose », Bulletin de
l’Organisation Mondiale de la Santé, 1979, 57, p.174-194- « Discrimination
des taxons de l’espèce Brucella Melitensis et détermination des souches-type
», Université Montpellier, unité 65 INSERM, 1984 –Ch.ARNAUD-BOSQ et J. ROUX,
« Méthodologie mathématique générale pour analyser la correspondance biotopebiotype
bactériens : application à l’épidémiologie des Brucella melitensis en France »,
Bulletin de l’Organisation Mondiale de la Santé, 1985, 63, p.1079 à
1088. J. ROUX, Brucellosis in tropical
Medicine and Parasitology, 1989, Appleton and Lange Editor, Norwolk, USA. Le
professeur Roux réfléchit aux rapports entre médecine et société. Il publie La
Santé en souffrance. La médecine face à la crise, en 1989, Paris, Messidor/Éditions
sociales, 182 p. Sa conclusion fait référence au programme du Parti communiste
français, 20° congrès du PCF, « Partout, les forces du capital imposent leur
choix. Partout, elles veulent aller encore plus loin dans le sens des
aggravations des inégalités sociales, de l’autoritarisme, de la course aux armements.
Mais leur politique n’est pas la seule possible ». (in « Justice, Liberté, Paix », Cahiers du communisme, décembre
1987-janvier 1988, p. 356-424). – En 1995, dans Sang contaminé. Priorités de
l’État et décisions politiques, éditions espaces 34, Montpellier, 213 p, il
écrit : « S’il est possible de tirer au moins une leçon de ce drame, c’est
celle-là : il y aura de nouveaux drames chaque fois que les considérations
humaines passeront après les considérations économiques ». AUTRES
SOURCES : Entretiens
avec Jacques ROUX en 2001 à St-Gély-du-Fesc. – Archives privées du professeur ROUX–
archives du CN du PCF. – Archives du Mouvement de la Paix (Hérault).- Jacques ROUX,
« La médecine arabe médiévale », dans La Pensée, Paris, n° 280,
mars-avril 1991 (réédition d’un article publié par La Pensée de
septembre –octobre 1961. Jacques ROUX écrit : « J’avais en tête évidemment
le quotidien de la guerre d’Algérie, les ratonnades parisiennes, et aussi,
quelques années plus tôt, l’expédition israélo-franco-anglaise contre le canal
de Suez… ») – François FOUCART, « Le scandale du sang contaminé », Mémoires
du XX° siècle, Bordas, Paris, 1995, p.25 à 27. - L.P. « Sang contaminé », Le
Pays, magazine des régions de France, n° 21, Montpellier, 2° trimestre
1999.- Hélène Chaubin. |